Finance

Énigme de finance N° 03

Question : Hartford a émis 50 millions d’actions valant chacune 4€. L’entreprise a également 200 millions d’euros de dette sans risque au taux de 5%. Les actionnaires espèrent une rentabilité de 11%. En raison de sombres perspectives économiques, la capitalisation boursière baisse de 25%, alors que la valeur de la dette ne change pas. Sans impôts, et à bêta d’endettement nul inchangé, quel est le nouveau coût des capitaux propres de Hartford ?

Cette question est une copie verbatim de l’exercice 16 du chapitre 14 « La structure financière en « marchés parfaits » » de l’ouvrage « Finance d’entreprise » de Berk et Demarzo (2020, Pearson).

Deux réponses sont possibles. Présentons tout d’abord celle retenue par les auteurs du corrigé, publié chez le même éditeur et pour cette édition, disponible à la vente, ce qui est à saluer en passant.

En premier, ils déterminent le coût du capital de la firme :

Coût du capital = 11% x 200 / (200 + 200) + 5% x 200 / (200 + 200) = 8%

Par la suite, en tenant compte de l’ajustement à la baisse de la capitalisation boursière de 25%, il calcule l’exigence de rentabilité suivant la formule suivante qui découle de la proposition I du théorème de Modigliani et Miller :

REL = RU + (RU – RD) x D/E
REL
= 8% + (8% – 5%) x 200/150 = 12%

La seconde réponse, qui a notre préférence et pour les raisons que nous détaillerons dans la suite de cet article, consiste à déterminer le coût du capital après correction par le marché. On ne suppose plus comme, les auteurs ont pu le faire de manière implicite, que le coût du capital demeure stable. En effet, si le taux sans risque et le beta de la firme demeure stable, la correction de la valeur des actifs qui passent de 400 à 350 et qui est le fait de révisions sur les perspectives économiques, peut s’expliquer :

  • Soit par une correction à la baisse de l’espérance des flux de trésorerie dégagés par l’activité : hypothèse implicite retenue par les auteurs du corrigé ;
  • Soit par une révision de la prime de risque du marché actions : c’est l’hypothèse que nous retenons. Nous nous justifierons plus tard. Pour le moment, présentons notre réponse.

On aura donc le coût du capital ajusté (RU’) tel que :

r’U = rU . V0 / V1 = 8% . 400/350 = 9,14%

En reprenant les calculs,

rCP = r’U + (r’U + rD) . (1 + D/E) = 14,67 %

Ainsi, la rentabilité espérée de la firme à endettement nul doit être corrigée en supposant que l’espérance des flux dégagés par l’actif économique reste inchangée. Cette hypothèse n’est pas si invraisemblable puisque la dette de la firme demeure sans risque après la révision des anticipations du marché. Par ailleurs, l’hypothèse, retenue par Modigliani et Millier et qui veut que les décisions financières ne portent pas d’informations de nature à modifier les anticipations de flux dégagés par l’actif économique, fait pencher en faveur de la stabilité de l’espérance des flux de trésorerie.

Pour bien voir ce dernier point, supposons que la firme soit initialement financée dans les mêmes conditions de taux au ¾ par de la dette et non plus à moitié comme dans l’énoncé, soit 100 millions d’euros de capitaux propres et 300 millions d’euros de dettes. La valeur des actions serait donc de 2€ pour le même nombre d’actions. En supposant que la valeur de la dette reste inchangée, la correction infligée par le marché sur la valeur des actions serait de 50% et non plus de 25%. On a donc ici une apparente « aggravation » de la correction infligée par le marché pour des valeurs de l’actif économique identiques dans chacune des configurations de marché et pour les deux options de structure de capital. On fait simplement l’hypothèse que la dette est effectivement sans risque dans les deux cas de structure du capital. Ce qui est conforme au cadre retenu par Modigliani et Miller dans leur papier original de 1958.