Banque,  Faillite,  Finance

Énigme de finance N° 29

Question : Si les banques créent la monnaie par le seul octroi d’un crédit, comment se fait-il qu’elles puissent faire faillite ? Il suffirait face à une échéance d’un emprunt qu’elles ne sauraient régler par les ressources dont elle dispose actuellement, qu’elle se fasse à elle-même par le biais d’une entité ad hoc qui leur serait rattachée, un prêt qui servira à éteindre sa dette.

Qu’en pensez-vous ?

La faillite d’une banque est presque toujours la conséquence finale d’une crise de solvabilité qui s’est transformée en crise de liquidité. Pour bien comprendre, définissons les deux notions qui, quoique proches, sont bien différentes. L’insolvabilité désigne la situation où la valeur perçue de la liquidation de la totalité des actifs d’une entreprise ou d’une banque est inférieure au montant global de ses engagements envers ses créanciers. Tandis que, l’illiquidité désigne l’incapacité pour l’entreprise ou la banque à faire face à une échéance de ses dettes avec les liquidités ou les valeurs aisément réalisables dont elle dispose.

Ainsi, une entreprise peut être en situation d’illiquidité bien que solvable. Cependant, l’illiquidité ne sera que temporaire s’il est acquis qu’elle est bel et bien solvable et qu’un marché du crédit à court terme existe. Dans ce cas, il se trouvera toujours un prêteur disposé à lui prêter les sommes qui lui manquent pour assurer les échéances de sa dette. La difficulté intervient lorsque des doutes pèsent sur sa solvabilité et/ou que le marché du crédit à court terme est grippé. Si c’est le cas, l’entreprise ou la banque ne pourra pas assurer les échéances de ses dettes qui lui sont réclamées par ses créanciers, et fera donc faillite.

C’est le mécanisme qui a conduit à la faillite de la banque Lehman Brothers en 2008 et plus récemment en 2023, de la banque SVB. En effet dans l’un comme dans l’autre des cas, la baisse de la valeur de leurs actifs causée par la crise des subprimes pour la première et la remontée des taux longs pour seconde, a rendu nécessaire l’enregistrement de provisions qui ont réduit leurs capitaux propres et détériorés leur solvabilité. Les doutes sur leur solvabilité a conduit à une panique bancaire ou « bank run ». Le marché du crédit à court terme s’étant asséché dans l’un comme dans l’autre des cas, la faillite ne restait plus que la seule issue.

Une question demeure : pourquoi ne sont-elles pas fait crédit à elle-même pour éteindre leurs dettes ? Une bonne compréhension du mécanisme de création monétaire permet de répondre à cette question. A effet si la monnaie est créée ex-nihilo par les banques, elles sont néanmoins soumises à des contraintes réglementaires en termes de refinancement. Par ailleurs, le nouveau prêt octroyé à l’entité ad hoc donnera lieu à l’inscription d’une promesse de mise à disposition de monnaie au passif de la banque. En gros, son actif augmentera de la valeur du prêt mais cette augmentation sera compensée par une augmentation équivalente de son endettement au passif. La situation d’insolvabilité sera donc inchangée !

Cependant, le tour de passe-passe serait un succès, s’il était possible que la promesse de mise à disposition de fonds au passif soit éteinte tout en préservant l’équilibre du bilan de la banque. Cela n’est possible que si l’entité emprunteuse souscrit à une augmentation de capital réservée à la banque prêteuse pour le montant du prêt.

Il ne s’agit pas ici d’une simple expérience de pensée. En effet, le Crédit Suisse a procédé ainsi en 2008 pour éviter la faillite, en prêtant les 10 milliards nécessaires à sa recapitalisation au fonds souverain du Qatar qui s’est empressée de s’en servir pour prendre une participation au capital de la banque contre une garantie de dividendes.

L’opération n’a été rendue possible que du fait de la qualité de la signature du fonds souverain du Qatar qui était capable d’assurer le paiement des intérêts de la dette pour un montant aussi élevé.