Énigme de finance N° 22
Question : Deux faits majeurs :
- Au courant de l’année 2016, deux visites au Cameroun de Madame Christine Lagarde, Directrice du Fonds Monétaire International, ont relancé les rumeurs sur une possible dévaluation du franc CFA.
- En début 2017, la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun (SABC en abrégé) substitue un emprunt bancaire à maturité 5 ans de 30 milliards de francs CFA souscrit auprès d’un pool de trois banques camerounaises au crédit spot de 45 milliards de francs CFA obtenus en 2016.
Y a-t-il un lien entre ces faits de l’actualité économique ? Si oui, lequel ?
Cette question est inspirée de l’étude de cas que nous avons rédigée sur l’opération de radiation de la cotation sur Euronext Paris des actions de la SABC en janvier 2020. Elle est disponible en libre téléchargement ici.
Pour revenir à notre question, on peut supposer que le directeur financier de la SABC, anticipant une dévaluation du francs CFA et donc une forte poussée inflationniste, a veillé à réduire l’exposition de l’entreprise au risque de taux à court terme et a préféré fixer son taux d’intérêt sur les cinq prochaines années.
Cette politique financière offre deux avantages supplémentaires pour le groupe SABC :
- Elle peut financer ses investissements de long terme plus sereinement. En effet, il est de bonne gestion de financer les investissements de long terme par des ressources de même maturité. Autrement, on fait de la transformation financière, en s’exposant à un risque d’illiquidité et d’assèchement du marché des capitaux comme lors de la crise 2008.
- L’entreprise peut en fixer son taux d’intérêt aujourd’hui à un niveau inférieur au taux d’inflation futur, bénéficier de taux d’intérêt réels négatifs et ainsi rembourser son emprunt en monnaie de singe !
Cependant, il ne faut pas trop compter sur ce dernier paramètre : les banquiers sont eux-aussi au courant d’une probable dévaluation du francs CFA. S’ils décident de prêter au groupe SABC à un taux d’intérêt de 5,8%, très proche du taux des emprunts de l’Etat du Cameroun émis à cette période sur la même maturité (5,5%), on peut gager qu’ils se sont très probablement protégés contre un tel risque.