Finance

Énigme de finance N° 09

Question : DAF d’une chaîne de boulangeries à Douala au Cameroun, vous apprenez par un de vos contacts bien introduit au sein du Ministère du Commerce et de l’Industrie, que le gouvernement s’apprête non seulement à subventionner la production locale de farines à base de manioc et de patates mais également à interdire les importations de farine de blé dans un délai de trois (03) mois. Vous disposez d’un stock de farine de blé d’une valeur de 1 Milliards de francs CFA couvrant les besoins de production pour les six (06) mois à venir. Si cette mesure venait à passer, la valeur de votre stock pourrait être réduite de 40%, voire plus.

Après avoir consulté votre grossiste, il se dit prêt à vous racheter votre stock à sa valeur. Il est par ailleurs prêt à vous le revendre plus tard à sa valeur actuelle, si vous lui cédez le stock aujourd’hui contre une décote de 20%. Notons également que vous pouvez emprunter et prêter au taux de 5%.

Vous discutez de cette information avec le directeur de la production d’un des principaux producteurs de farines locales. Celui-ci vous fait savoir qu’il doute que les farines locales puissent se substituer parfaitement à la farine de blé importée dans de si courts délais car les capacités de production des acteurs de la filière ne sont pas en mesure de satisfaire la demande. De plus, les conditions climatiques difficiles de ces derniers mois laissent croire que les récoltes de patates et de manioc seront plus que décevantes. Dans ces conditions et en supposant que les importations de farine de blé soient effectivement interdites, le prix de la farine de blé pourrait augmenter de 50% voire du double dans trois (03) mois.

Que feriez-vous ? Ou plutôt, feriez-vous quoi que ce soit ?

Pour faire simple, vous avez deux options (et c’est effectivement de cela qu’il s’agit ici …) : agir ou ne pas agir.

L’option la plus aisée : ne pas agir ! Dans ce cas, vous spéculeriez à la hausse sur la valeur de la farine de blé et de fait, démontreriez que vous accordez plus de crédit aux dires du directeur de production qu’à ceux de votre contact au sein du Ministère du Commerce et de l’Industrie. C’est bien connu, les fonctionnaires sont la plupart du temps coupés des réalités du terrain et prennent quelque fois des mesures hors sol.

Cependant, c’est prendre le risque que cette fois, l’information soit correcte et la mesure du Ministère du Commerce et de l’Industrie mûrement réfléchie. Dans ce cas, il faudrait agir. Mais que faire ?
C’est ici qu’intervient l’ingénierie financière. Nous allons concevoir une option de vente synthétique qui permettra de spéculer à la baisse sur la valeur du stock de farine de blé, tout en se couvrant en cas de hausse des prix de celle-ci si la mesure venait à être inopérante dans les délais impartis. Ainsi, on procédera de la manière suivante :

  1. On cédera dès à présent l’équivalent de 03 mois de stock, soit une valeur de 500 Millions FCFA au grossiste.
  2. On le cédera avec une décote de 20% pour pouvoir le racheter dans 3 mois à sa valeur actuelle. On percevra donc 400 Millions FCFA.
  3. Il faudra placer en banque une somme de près de 494 Millions de FCFA pour pouvoir racheter le stock à 500 Millions de FCFA en cas de hausse du prix de la farine de blé sur le marché.

Ce montage nous aura donc coûté 94 Millions FCFA.

Ainsi si dans 03 mois le prix de la farine de blé à baisser de 40%, nous pourrons racheter sur le marché à 300 Millions. Nous réaliserons un gain de 106 Millions FCFA : 500 – 300 – 94 = 106.

Si par contre le prix monte de 50%, la valeur du stock sera de 750 Millions FCFA. Nous rachèterons le stock auprès du grossiste à 500 Millions FCFA tout en supportant le coût du montage de 94 Millions. On aura donc réalisé un gain de 156 Millions FCFA : 750 – 500 – 94 = 156.

Supposons que nous ayons décidé de ne rien faire et donc de spéculer à la hausse sur le prix de la farine de blé. En cas de baisse de 40% du prix, nous réaliserons une perte de 200 Millions de FCFA et en cas de hausse de 50%, nous réaliserons un gain de 250 Millions de FCFA.

Ainsi, notre montage nous a permis de nous couvrir à la hausse et à la baisse, tout en réalisant un gain quelque soit la configuration du marché. Cependant, ne nous leurrons pas. Nous n’avons pas complètement éliminé le risque ! Si le prix varie entre +18,8% et -18,8%, nous réalisons une perte. Ce montage ne créée de valeur que si la volatilité du prix est grande et de manière concrète, supérieure à 18,8% en valeur absolue. C’est le propre de tous les actifs dérivés contingents. Leur valeur s’accroît avec la volatilité.

Pour les geeks de la finance, les marchands et les banquiers génois du 12ème siècle savaient déjà structurés ce type d’options synthétiques !